Note d’intention
« Les hommes […] sont déshumanisés par le fait qu’ils ne pensent pas par eux-mêmes »
E. Ionesco
En questionnant tout d’abord cette notion de vide, je me projette dans une couleur, dans un espace, dans un futur qui me plonge dans une incertitude née de l’ambivalence de ma projection idéale et de la réalité débattue par des spécialistes sur l’avenir de la nature humaine.
Notre société a pris conscience de la plupart des enjeux pour sortir de ce déclin mais elle se trouve dans l’impossibilité de la concrétiser dans le présent.
Cette contradiction est au cœur des Chaises de Ionesco.
Nos deux personnages sont plantés dans un no man’s land, un des derniers lieux de vie… peut-être le dernier.
Dans cette pièce, nos vieillards se remémorent des histoires dans leurs univers intérieurs.
Ils ont par ailleurs des moments de vie où rien ne se passe et où tout se passe. Car notre couple a décidé de combattre l’isolement en s’inventant des invités pour lesquels le vieux a préparé le discours qui sauvera l’humanité en péril.
La scène se déroule dans un futur relativement proche que j’ai défini en m’appuyant sur les informations actuelles des journaux télévisés et des reportages dans lesquels des spécialistes en économie, climatologie, énergie, biologie, etc., ont brossé un tableau pessimiste de l’avenir humain.
La scénographie reposera sur un espace blanc, aseptisé et froid, délimité par des cycloramas qui seront utilisés comme support de projection.
Les rêves et les phantasmes seront appuyés par des images vidéo pour restituer ces instants de vie intense.
Nos deux vieux seront amenés à développer une mécanique corporelle qui viendra souligner l’absurdité et le grotesque de ces situations.
Les deux comédiens interpréteront donc des personnages, jeunes ou vieux, réels ou imaginaires et dans des formes et des registres différents.
A l’inverse, les autres moments de vie seront présentés d’une manière plus réaliste.
La vieillesse est la dernière période de la vie, caractérisée par un ralentissement ou un affaiblissement des fonctions.
La multiplicité des travaux sur le vieillissement porte sur des stratégies de lutte contre la vieillesse ou sur le processus de vieillissement et très peu sur la prise en charge du sujet vieillissant.
C’est parce que la question de la mort est de droit une question essentielle dans l’approche du vieillissement qu’elle entre en conflit avec le culte de l’immortalité que notre société marchande nous impose par son rythme démoniaque basé sur la rentabilité et la performance.
Notre société formate non seulement l’individu dans une relation d’effacement de soi avec pour focale l’image de la jeunesse et du corps sculpté mais surtout, elle pointe la personne âgée comme bouc émissaire des défaillances des régimes de santé et de retraite.
« Des âmes errantes portant des corps disloqués » telle est la première image qui m’est apparue quand je suis rentré dans un centre de long séjour pour personnes âgées.
Ces personnes attendent patiemment la mort ou espère la guérison pour sortir.
Elles y sont la plupart du temps placé contre leurs grés et ont perdu les repères du monde extérieur.
Fort heureusement, le personnel y apparaît comme une source de fraîcheur même s’il faut reconnaître qu’il n’est pas toujours bien formé et aidé pour accomplir cette mission.
Dans « les Chaises » nos deux vieux sont dans une situation similaire mais à une autre époque et dans un autre contexte.
En découvrant « les chaises », j’ai été frappé immédiatement par l’univers visuel de Ionesco. Cet amoncellement d’objets qui paralysent et séparent les deux personnages à la fois d’eux même et du reste du monde, nécessite d’être relayé par des images qui viendront accentuer ce point de non retour.
Cet encombrement du plateau par les chaises, image de l’auteur sur lequel il a bâti cette pièce, symbolise le néant et représente l’être humain vieillissant condamné à devenir objet.
Contrairement à certaines mises en scène classiques, je ne souhaite pas aborder ce vide par un traitement trop réaliste de la situation.
Je préfère l’aborder en y montrant les moyens utilisés par ce couple pour le fuir tout en y éclairant ses causes.
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